Les défis de la commercialisation de la banane bio

OBJECTIFS 

Objectif général : Amener APROVAG (Association des producteurs de la vallée du fleuve Gambie)et ses partenaires à identifier les difficultés d’accès au marché de la banane écologique et ses produits dérivés, ébaucher les pistes d’une nouvelle stratégie commerciale.

Objectif spécifique 1 : Identifier les contraintes d’accès au marché de la banane écologique et ses produits dérivés.

Objectif spécifique 1 : Identifier les pistes d’une stratégie commerciale qui favorise l’accès au marché pour les petites exploitations familiales de l’APROVAG.

INTRODUCTION

L’APROVAG a beaucoup fait dans le domaine de la production de la banane écologique. Malgré les efforts énormes consentis, de graves dangers et menaces de faillite sont possibles si rien n’est fait pour trouver des solutions à la question, combien difficile, de la commercialisation de la banane en agroécologie.

L’objet de cette contribution est de susciter des réflexions stratégiques sur les enjeux/défis de la commercialisation de la banane bio ; elle s’articule autour des points suivants :

  1. Bref aperçu sur la commercialisation de la banane
  2. Contraintes d’accès au marché de la banane écologique
  3. Pistes stratégiques

I/ BREF RAPPEL DES SYSTÈMES DE COMMERCIALISATION DE LA BANANE

Les idées développées dans la première partie de ce texte sont tirées de l’étude de la filière banane au Sénégal, réalisée par le cabinet Agro-bio-service (ABS), avec la participation de six consultants dont cinq sénégalais et un expert marocain.

En tant que président d’ABS, c’est moi, Abdoulaye SARR, qui aie signé les engagements liés à cette étude restituée aux différents acteurs le 27-28 Mars 2002 à Gouloumbou.

Une bonne partie des résultats de ce document sont toujours d’actualité même si le contexte a beaucoup évolué avec la mise en pratique de la banane écologique initié par APROVAG.

1.1 Description des systèmes de commercialisation

La commercialisation et la distribution de la banane sont caractérisés par une hétérogénéité de procédures entre les groupements d’intérêt économique (GIE) communautaires, les privés agro business et les fédérations telles que APROVAG.

Tandis que les GIE communautaires, les privés, pratiquent une commercialisation plus autonome, les fédérations de Sédiou et APROVAG développent une vente assise centralisée par une cellule commerciale.

Le mode de commercialisation dominant est la vente en vrac à raison de 200 CFA le Kg, soit 0,30€ le kg ; mais avec la concurrence déloyale provoquée par les privés agrobusiness, certains groupements sont obligés d’abaisser le prix à 180 CFA, soit 0,27€ le kg.

On sait par ailleurs que la valeur d’une unité monétaire (ici le CFA) n’est pas constante : en général elle diminue d’une année à une autre du fait de la tendance à la hausse des prix sur l’ensemble des marchandises, c’est-à-dire de l’inflation.

Le circuit de distribution n’est pas organisé car toute personne qui dispose de moyens peut intervenir dans le commerce.

On note cependant au niveau de Tamba et des marchés hebdomadaires des circuits courts avec les femmes détaillantes. Les marchés exploités sont principalement Tambacounda, Thiès, ST Louis, Dakar, et Touba.

Auparavant, la concurrence se situait entre banane ivoirienne et banane locale, mais aujourd’hui les grands producteurs privés shuntent le marché en amenant le produit jusqu’aux murisseries qui appartiennent aux commerçants, au détriment des petits producteurs. 

1.2 Identification des problèmes liés à la commercialisation de la banane

Les principaux problèmes sont : la fixation des prix par les commerçants, le recouvrement des créances, la concurrence, les pertes de marchandises chez les commerçants, l’importance du nombre d’intervenants, la faiblesse de la qualité et les ruptures de stock.

En gros, la revue des principales contraintes et difficultés de commercialisation donne la liste ci-dessous :

  • faible pouvoir de négociation des producteurs vis-à-vis des commerçants,
  • mauvaise organisation de la commercialisation du fait de l’anarchie provoquée par la concurrence,
  • commercialisation en vrac : principale source de perte de qualité de la banane,
  • rupture de stock,
  • difficultés d’estimer et de catégoriser la clientèle,
  • structure de prix grevée par le nombre élevé d’intervenants.

Si la demande intérieure est estimée entre 50000 T à 60.000T, personne ne sait si l’autosuffisance en banane est atteinte ou si c’est plutôt l’effet sablier des producteurs privés qui disposent de moyens importants et shuntent la filière : les gros ont toujours tendance à manger les petits.

II/ DIFFICULTÉS D’ACCÈS AU MARCHÉ DE LA BANANE ÉCOLOGIQUE

Aujourd’hui APROVAG a fait des progrès certains en matière de production de banane écologique par :

  • la capitalisation des bonnes pratiques agricoles,
  • des investissements conséquents pour sécuriser les périmètres,
  • la mise en place de nouveaux systèmes d’irrigation et d’exhaure, subvention d’intrants,
  • l’acquisition de moyens de transport adaptés pour réduire les pertes post-récoltes,
  • le renouvellement progressif du matériel végétal etc,
  • la diversification des productions : arboriculture fruitière (papaye, mangue), cultures maraîchères…

Par contre un certain nombre de problèmes et de difficultés sont signalés par les commerçants :

  • des livraisons en banane non régulières,
  • un tri parfois mal fait,
  • des conditions de transport défaillantes, qui détériore la qualité du produit,
  • des poids manquants,
  • des chambres froides non adaptées aux cartons,
  • la concurrence déloyale des privés sur le prix, masquée par la facturation et le transport.

Ces données confirment d’avantage les conclusions du rapport d’ABS citées ci-dessus. Et la situation est encore plus complexe pour l’APROVAG, obligée de partager le même prix au niveau du même marché avec des bananes chimiques venant de différentes zones agro-écologiques.

Si la situation actuelle perdure, avec des bananes qui murissent dans les périmètres, les producteurs courent le risque de se retrouver en dessous du seuil de survie avec des conséquences dramatiques sur le plan social. 

 

III/ PISTES STRATEGIQUES

Lors de la mission de prospection organisée par la cellule commerciale de APROVAG, l’ensembles des 26 commerçants rencontrés (se conférer au rapport mission prospection des marchés) ont fait les appréciations positives ci-dessus : 

  • bonne conservation du produit APROVAG,
  • moins de déchets pour les bananes en cartons, 
  • beaucoup d’avantage pour les commerçants,
  • goût agréable.

En effet la banane étant un des rares produits, par le goût, la consistance et les arômes profile déjà l’identité de son mode de production.

Ces résultats positifs proviennent de la mise en œuvre du programme ROPAD (renforcement des organisations de producteurs pour une agriculture durable – programme terminé) ainsi que de l’intervention d’AGROFAIRE, qui a beaucoup travaillé sur la mise en pratique des normes de productions biologiques certifiées sur le plan international par Écocert et Global Gape.

Bien entendu ces acquis ont été réalisés à la suite d’une série d’ateliers d’animation de formation au bénéfice des producteurs. L’approche préconisée au cours cette rencontre est globale et repose sur le développement de stratégies innovantes de marketing, tout en diversifiant les productions. 

Dans le domaine des stratégies, les actions préalables à mener à court terme se donnent comme suit :

  • partager, échanger avec les différents acteurs (producteurs, commerçants, consommateurs…) sur la nécessité de trouver de nouvelles alternatives de commercialisation plus adaptées à la situation actuelle,
  • renforcer la formation pour encourager une vraie militance en agroécologie,
  • mettre en confiance les commerçants par la résolution des problèmes identifiés,
  • encourager la certification locale pour un label écologique sénégalais, orienté vers le marché intérieur,
  • mettre en place une coopérative de commercialisation en évaluant ses avantages et inconvénients
  • étudier les possibilités du marché bio,
  • procéder à une analyse alimentaire de la banane bio comparée au produit chimique avec l’Institut de Technologie Alimentaire (ITA),
  • élargir la base sociale de APROVAG en intégrant d’autres groupements communautaires

À moyen et long terme il serait important de :

  • installer des murisseries connectées à un réseau de kiosques pour la vente,
  • entreprendre une démarche de sensibilisation qui touche au plus profond les consommateurs au regard des graves problèmes de santé provoqués par l’alimentation des produits issus de l’agriculture conventionnelle,
  • organiser un syndicat de l’agroécologie, composé de petits agriculteurs, de scientifiques, de conseillers, et de personnalités qualifiées dans d’autres secteurs, où les grandes lignes de l’agriculture et de la commercialisation sont débattues et consignées.

APROVAG à elle seule ne peut résoudre les nombreux problèmes auxquels elle est confrontée. Elle doit encourager chacun de ses partenaires à prendre sa place de co-responsable dans l’ensemble.

L’économie par essence est sociale, c’est elle qui fait le lien entre les hommes pour satisfaire leurs besoins en utilisant les capacités et ressources disponibles. Aussi, l’essence de l’économie n’est pas de donner un pouvoir d’achat ni de permettre à l’homme d’avoir quoi ce soit. C’est au contraire un processus qui permet à l’homme d’être, d’exister. 

La grosse banane chimique (bourrée d’azote minéral) ne nourrit pas mais elle remplit. De plus en plus ici  la qualité est remplacée par la quantité contrairement à la banane écologique vitale qui nourrit ; c’est la vie qui nourrit.

Abdoulaye Sarr
Animateur et formateur en Agroécologie
Membre du Réseau des Agro Écologistes sans Frontière
Conseiller du Collectif Régional des Producteurs de Banane de Tambancounda (CORPROBAT) dont APROVAG est membre. Abdoulaye SARR a accompagné APROVAG sur un programme financé par l’Union  européenne de 2000 et 2003.