Agroécologie : de l’humus à l’humanité, cultivons la vie
Pour décrire la vie, tenter de la comprendre et en tous les cas la respecter, l’approche globale, avec humilité est de mise. Approcher la vie dans tout ce qu’elle a de merveilleux et de complexe ; merveilleux car bien souvent son ingéniosité et ses ressources dépassent les capacités de notre entendement ; complexe car tout est dans tout et réciproquement.
Plusieurs courants de plusieurs origines historiques, de pays différents sont fondateurs de l’agroécologie. Ainsi, Ibn Al Awam (12ème siècle, Andalousie) inventeur, entre autres, de plusieurs techniques d’économie d’eau dont le goutte à goutte, ou Giovanni di Pietro Bernardone dit François (1181–1226) célèbre pour son amour de la nature.
Si l’agroécologie est aujourd’hui promue par les instances officielles agricoles, elle se limite souvent à un concept et des techniques.
Pierre Rabhi (1937-2021) fait la promotion de l’agroécologie en tant qu’approche concrète, en tant que méthode d’agriculture dans toutes ses dimensions, y compris économique, sociale, éthique et culturelle.
Concernant l’étymologie l’agroécologie rassemble : le mot « agro» ager, la terre, pour désigner la terre nourricière, celle des champs, des prés et des jardins, des vignes et vergers, convient mieux que le mot sol à notre approche de l’agroécologie ; le mot « éco » ou oikia le milieu de vie, considère l’ensemble du milieu et ceux qui y vivent et la racine « logos », qui désigne l’expression, le langage.
L’agroécologie nous l’entendons, l’incarnons
comme « l’expression de la terre et de l’ensemble du vivant ».
Le maître mot de l’agroécologie est ainsi la vie.
L’agroécologie est une approche du vivant basée sur le respect et sur la confiance. Certes c’est un ensemble de techniques de cultures et d’élevage qui permettent de produire des aliments sains, nutritifs et d’une bonne vitalité. Mais ce savoir-faire ne prend son sens qu’en s’inscrivant dans une approche globale incluant une relation équilibrée, harmonieuse, à l’environnement naturel, social et économique, puisque l’agroécologie, c’est l’écologie dans toutes ses dimensions, appliquée à l’agriculture.
En plus de permettre de nourrir tous les êtres humains, de leur offrir de l’autonomie humaine, l’agroécologie répond à l’urgence de mettre en œuvre un mode de production non gaspilleur de ressources et beaucoup moins émetteur de gaz à effet de serre et autres pollutions. Elle participe à la sauvegarde de la biodiversité. Elle inscrit la ferme dans l’écosystème.
Elle inscrit aussi les femmes et les hommes dans un territoire avec des relations humaines, culturelles, sociales et économiques empruntes de solidarité et d’entraide, basées sur la reconnaissance mutuelle et impliquant une démarche d’évolution intérieure car le changement collectif de paradigme qu’implique l’agroécologie passe par le changement de chacun.
Même si des techniques et savoir-faire sont nécessaires, ce n’est pas suffisant car l’agroécologiste cherche d’abord à identifier, comprendre les processus du vivant pour les accompagner, les potentialiser afin de produire une nourriture de qualité, en quantité suffisante, tout en préservant l’environnement et les ressources naturelles.
Même si les agricultures des pays du sud sont bien différentes de celles des pays du nord, il est des fondements qui sont universels, même s’ils se déclinent d’autre façon , certains sont spécifiques « sud », d’autres sont plus propres au climat tempéré. Tout transfert de techniques comme des buttes n’est pas adapté à tous lieux et terroirs.
L’agroécologiste observe constamment, se remet en question régulièrement et s’adapte en permanence. Ainsi, parvient-il à développer une approche juste de l’action, action adaptée à la situation et au contexte, tant agrologique, que social et économique.
L’agroécologie s’appuie sur la prise en compte des écosystèmes, c’est à dire des interrelations entre les différents éléments d’un système, avec une attention toute particulière pour ses êtres vivants, végétaux et animaux. Par ailleurs, tout écosystème porte en lui les ressources nécessaires à sa vie, à sa recherche d’équilibre. De même en agroécologie, tout problème trouve sa solution dans le milieu qui le porte.
L’homme ne change pas l’origine et donc la nature de sa terre, il fait avec.
Ceci dit, il n’est pas impuissant. En effet, avec des pratiques adaptées, il accompagne la vie de sa terre, lui permet d’exprimer son potentiel, la maintient en bonne santé et peut même retarder son vieillissement. Dans son intérêt, il fait le nécessaire pour que la terre soit d’une part suffisamment meuble afin que les racines puissent s’y développer facilement et prospecter un grand volume, d’autre part suffisamment stable pour maintenir la plante, lui servir d’ancrage, et résister aux facteurs d’érosion.
Mais, tous les sols étant différents, chacun a besoin d’un accompagnement particulier. Pratiquer intelligemment ce dernier demande bien sûr de consacrer du temps à l’observation et à la réflexion.
Les artifices, nous éloignent souvent du vivant et offrent des solutions immédiates, mais peu durables au fil des saisons.
Pour les membres du réseau des Agroécologistes sans Frontières, il s’agit donc d’aller à la rencontre des personnes qui nous sollicitent, de recueillir leurs besoins et attentes, de rencontrer leurs territoires, leurs terroirs, découvrir leurs savoirs faire, et réalités de tous domaines.
Et ensuite, composer avec les paysans locaux des cultures, de l’élevage selon les besoins, dans le sens du respect du vivant. Sans l’appropriation par les paysans locaux, les réalisations sont caduques. Ainsi se construit la souveraineté alimentaire et l’autonomie des populations dans tous les domaines de leur vie.
L ʼAGROÉCOLOGIE, cultivons la vie
Hélène Hollard & Bénigne Joliet, Marie-Christine Favé
Editions Sang de la Terre. MAI 2012