Rouen les 9 & 10 avril 2022
L’association NIAAKI KA a sollicité les compétences du RAESF pour une formation dans la perspective de développer une autonomie alimentaire et une économie agricole en y intéressant la jeune génération, par l’agroécologie, dans leur région d’origine de Dembancané au Sénégal. Un premier weekend de formation s’est déroulé les 9 et 10 avril dernier à Rouen.
Leurs membres, Djibril, Arona, Moussa, Yakhouba, Cheikhou, Oumar, Abdoulaye, Ladji, El Mamy et Samba, tous originaires de cette région située au bord du fleuve Sénégal, ont participé au weekend de formation proposé par Dominique et Thierry, les deux praticiens du Réseau AgroEcologie Sans Frontière. La rencontre s’est faite à Rouen, lieu où la plupart des membres de l’association exercent actuellement leur activité professionnelle.
Suite à nos premiers échanges, nous avons prévu en prélude de cette formation d’évoquer une approche théorique de l’agroécologie, des visites des jardins partagés et maraîchers mais aussi une réflexion et des visites autour de l’habitat construit en matériaux traditionnels et de l’assainissement naturel.
FORMATION JOUR 1
Le samedi matin, après une présentation individuelle libre, projets et attentes de l’agroécologie, chaque participant a évoqué la situation locale, à Dembancané. Cette ville sénégalaise, de 8000 habitants, se situe au bord du fleuve Sénégal. Les participants ont fait plusieurs constats de la situation :
- Il y a une augmentation des périodes de sécheresse et les saisons des pluies sont de plus en plus courtes.
- Les cultures maraîchères (haricots/maïs associés, patates douces, niébés, aubergines africaines, carottes, tomates, etc.) sont principalement tenues par les femmes, se font sur les terres libérées par les crues et devenues fertiles (appelées « follo»). La proximités du fleuve permet un arrosage facile par « projection ». Les terrains en dehors de cette zone (entre 2 et 10 kms) ne sont plus exploités et sont en général en jachère.
- La gestion des cultures se faisaient en partenariat avec les Peuls. Ils faisaient paître leurs troupeaux et leurs matières animales enrichissaient la terre. L’instauration de la frontière et la récurrence des sécheresses entraînant une poussée d’herbe de plus en plus limitée ont mis à mal cette relation entre éleveurs et agriculteurs.
- Depuis une cinquantaine d’années, les paysages changent. La forêt (comprenant une faune et une flore riches) a reculé. Alors qu’elle entourait initialement Dembancané, elle se situe maintenant à 50 kms et est constituée aujourd’hui d’îlots de bosquets éloignés les uns des autres. Les poissons du fleuve Sénégal se font également de plus en plus rares. Les barrages en amont sont aussi considérés comme responsables de crues trop violentes (érosions des berges et donc diminution de zones de follos).
Les membres de l’association souhaitent susciter un intérêt, une attractivité des jeunes pour l’agriculture en proposant des moyens et des techniques qui facilitent le travail du sol. Il n’existe pas, actuellement, de centre de formation en agriculture. C’est un des projets envisagés par l’association NIAAKI KA. La deuxième partie de la matinée a été consacrée à l’agroécologie en comparaison avec des pratiques d’agriculture intensive et les conséquences sur l’évolution des sols, de la biodiversité et de la productivité.
La pause du midi nous a réunis par la prise du repas en commun à la cuisine sociale gérée par « Les deux fleuves », située au centre de Rouen. Cette association d’insertion par l’activité, travaille à l’accompagnement de projets novateurs en matière de développement économique, social et culturel.
Dans l’après-midi, nous avons visité un jardin cultivé par Thierno, échanges autour du travail du sol et de la gestion d’un compost.
Nous sommes allés au Parc Champ des Bruyères de Rouen : visite de petites parcelles individuelles suspendues et de la grande serre en verre avec un animateur technique spécialisé en agroécologie, complété par des échanges sur l’organisation du jardin partagé collectif (présentation du calendrier du jardinage pour les adhérents, des parcelles, de la pépinière).
FORMATION JOUR 2
Le lendemain, nous avons visité le jardin « Des Légumes à la Clef », géré par Maxime Eteve, maraichère bio à La Clef Vallée d’Eure. Maxime vend ses légumes le dimanche matin, en direct, au jardin. Elle travaille sur une surface de 8000 m2. Elle pratique l’occultation par bâches de plastiques noires pour limiter la pousse d’herbes, utilise des amendements comme le compost de déchetterie (compostage des matières organiques par vapeur) et récupérations de déchets verts de particuliers. Elle protège ses cultures du froid par du voile d’hivernage et des filets-moustiquaires pour limiter l’impact de certains insectes parasites.
L’après-midi a été consacré à la construction d’un habitat naturel construit avec des matériaux traditionnels (terre, paille, bois, chaux), de la gestion de toilettes sèches et un assainissement naturel par des plantes.
Le réseau RAESF développe une approche écosystémique de la nature qui relie les humains, la biodiversité et les sols. Les aliments produits génèrent des déchets qui sont réintroduits dans le cycle de vie par le compostage. Les matériaux traditionnels utilisés pour l’habitat, les effluents d’assainissement et les matières humaines en sont parties prenantes. La cohésion de l’ensemble du vivant est la condition de sa pérennité.
C’est dans cet esprit que Dominique et Thierry ont préparé la formation à Rouen. Ce sont sur ces bases qu’ils envisagent avec l’aval des membres de l’association NIAAKI KA la prochaine mission qui se déroulera à Dembancané, ville du Sénégal située sur le bord du fleuve du même nom, en juillet prochain.
Par Thierry Dubuisson
Membre du RAESF
Suite au projet de dynamisation des exploitations familiales via une démarche agroécologique globale